Vous vous dites peut-être : mais qu’est-ce qu’un article sur le féminisme vient faire dans un blog sur la transition ???
Tout part d'une discussion avec un ami transsexuel. Lorsque je lui ai parlé de mon blog sur la transition, il a cru que j'étais moi aussi dans une démarche de transidentité... ce qui n'est pas tout à fait le cas (quoique). Ça a provoqué deux réactions chez moi : - La volonté de se réinterroger précisément sur la notion de transition, ses fondements, ses définitions. => Mais ça, c’est le sujet d’une belle interview avec le sociologue François Rousseau qui fera l'objet d'un prochain article sur le blog.
- L’envie de creuser le sujet des identités de genre. Ce qui m’a conduit naturellement vers la question du féminisme et in fine de l’écoféminisme. => Et c'est là qu'on fait la boucle avec le sujet de la transition ! Le sujet est immense (et touchy) mais l’idée est de partager ici à quel point les questions d’inégalités entre les genres (mais aussi à l’intérieur des genres, lorsqu'entrent également en considération les catégories sociales et raciales) sont un sujet de transition social et sociétal.
Conceptualisé dans les années 70 par Françoise d'Eaubonne et repris plus tard par Carolyn Merchant, Val Plumwood et Vandana Shiva, l'écoféminisme fait un parallèle entre l'exploitation et la domination de la nature et des femmes par le patriarcat et le capitalisme. Transposé aujourd'hui, l'écoféminisme dénonce la surreprésentation politique des hommes dans les causes écologiques, alors même que les études prouvent que ce sont les femmes qui sont les plus engagées dans les mouvements militants. Elles sont plus engagées non pas, comme certains.nes le mettent en avant, à cause de leur lien intrinsèque à la nature, mais plutôt en tant que minorité, premières victimes des crises écologiques, économiques et sociétales. Ce sont elles qui développeraient le plus activement et depuis toujours des alternatives en marge des systèmes économiques traditionnels.
Sans revendiquer cette filiation, les sorcières peuvent être considérées comme les premières écoféministes. Elles ont été les gardiennes de savoirs scientifiques puissants qui mettent au centre un lien indissociable entre le bien-être humain et non-humain (à travers la connaissance et sauvegarde des écosystèmes naturels). En cela, elles ont été persécutées car elles s'opposaient au dogme de "l'homme maître et possesseur de la nature" et à une conception de domination liée au savoir.
Cette résistance des femmes, et de toutes les minorités qui ne sont pas "l'homme blanc occidental", fait écho aujourd'hui dans une société où la connaissance individuelle et l'encapacitation citoyenne érigent des contre-pouvoirs salvateurs.
Alors, on déclenche une lutte des sexes "à la Lysistrata" ? (Rappelez-vous cette comédie grecque où les femmes déclarent une grève du sexe pour que les hommes arrêtent la guerre.) ... Pas sûre que ce soit très constructif.
Selon la sage Françoise d'Eaubonne, « seule la cogestion égalitaire des deux sexes peut répondre aux désirs, capacités et potentialités de l’espèce humaine tout entière. [...] L’égalité des hommes et des femmes est une condition sine qua non à un changement radical de civilisation puisque c’est ensuite, et ensuite seulement que pourra être envisagée une société de démocratie directe, objectif toujours visé et toujours perdu par les révolutions qui ignorent la "moitié du ciel"… et la totalité de l’environnement. »
Bon, la route est longue, mais on voit le chemin à parcourir. Alors, au boulot !
Il s'agit donc pour les femmes, de se libérer de leur aliénation, de se réapproprier leur corps et le positionner dans un rôle social équilibré. Pour les hommes, de prendre part à cette harmonisation, de s'interroger sur leur masculinité.
Enfin, pour tous, de questionner l'équation domination/soumission, dans laquelle les deux parties sont agissantes (idée à manipuler avec beaucoup de précaution, je vous invite à écouter le podcast ci-dessous pour en apprécier la subtilité).
Pour aller plus loin sur les sujets de l'écoféminisme, du féminisme, des masculinités et des discriminations :
Lire : - L'Écoféminisme : une pensée féministe de la nature et de la société d'Anne-Line Gandon
- COP24 : l'Écoféminisme veut en finir avec le patriarcat et le capitalisme de Christine Siméone - les 3 essais de Mona Chollet : Sorcières - La puissance invaincue des femmes (Éditions Zones, 2018) ; Beauté fatale - Les nouveaux visages d’une aliénation féminine (Éditions La Découverte, 2015) et Chez soi - Une odyssée de l’espace domestique (Éditions Zones, 2012)
- le blog Terrestres
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© crédit illustration : Jeune fille tenant des fleurs dans un verre de Paula Modersohn-Becker (1902 - Paulamodersohnbecker-Stiftung)